LES PREMICES : ANTIQUITE ET MOYEN-AGE
Les fossiles ont
fasciné de tous temps l'imagination des humains. Cet
intérêt pour les fossiles est attesté fréquemment dans
les gisements préhistoriques .
Dans les niveaux
moustériens ( Paléolithique moyen ) de la grotte
d'Arcy-sur-Cure ( Bourgogne ) , le préhistorien André
Leroi-Gourhan découvrir un polypier et un gastéropode
fossiles apportés en ces lieux par l'Homme de
Néanderthal .Dans la même localité la " Grotte du
trilobite " doit son nom à la découverte d'un de ces
arthropodes fossiles dans un niveau daté du Magdalénien
. L'absence de niveaux géologiques susceptibles de
livrer ce type de fossile dans la région laisse supposer
qu'il a du être apporté par les chasseurs préhistoriques
d'Armorique ou , peut être même d'Europe centrale . Par
ailleurs , au début du siècle , le Comte Henri de
Bégouen avait rapporté la découverte de deux dents de
requins fossile dans les niveaux aurignacien s (
Paléolithique supérieur ) de la grotte du Tuc d'Auboubert
( Ariège ). Ces fossiles , ramassés dans un niveau
géologique d'âge Miocène distant de plus de 100
kilomètres , avaient été amenés intentionnellement par
les hommes du Paléolithique qui escomptaient
probablement les utiliser comme éléments de parure .
1 - L'ANTIQUITE
L'Antiquité
est la période du questionnement sur la nature réelle
des fossiles et celle de la préscience de l'infinie
durée des temps géologiques .Les penseurs , philosophes
et naturalistes , du monde gréco-romain ont eu très tôt
l'intuition de la nature véritable des fossiles :
"
J'ai vu la mer là où s'étendait autrefois le sol ferme ,
j'ai vu des terres là où s'étendait autrefois le sol le
plus ferme ; j'ai vu des terres qui étaient sorties du
sein des flots ; bien loin de la mer gisaient des
coquilles marines "
Opinion de Pythagore
rapportée par Ovide ( " Les Métamorphoses " ) .
" Ce
ne sont pas toujours les mêmes parties de la terre qui
sont sous les eaux , ni les mêmes qui sont à sec. Il se
produit une permutation entre le continent et la terre
ferme ; ces lieux ne demeurent pas toujours mer , ni
ceux-là terre ferme. Là où se trouvait la terre une mer
s'est maintenant formée , là où la mer s'étend
aujourd'hui , la terre reparaîtra de nouveau . Nous
devons penser que ces transformations se produisent dans
un certain ordre et qu'elles parcourent un certain
cycle "
Aristote , " Les Météores "
( I , ch. 14 ) , IVe siècle
" Il
se peut que le temple d'Ammon ait été autrefois en mer
et que l'écoulement de la mer qui s'est produit l'ait
laissé au milieu des terres ... L'Egypte a été
autrefois sous les eaux de la mer ( ... ) En effet ,
lorsqu'on creuse le sol en Egypte , on trouve que la
tranchée est formée d'un sable rempli de coquilles . Ce
pays était autrefois recouvert par la mer ... Plus tard
la mer s'est retirée , ces lieux ont été découverts
( ... ) ".
Straton de Lampsaque
"
Comment se peut-il qu'en des lieux qui se trouvent au
milieu de sterres et que deux ou trois milles stades
séparent de la mer , on rencontre en maints endroits une
foule de coquilles , d'huîtres et de chéramydes , de
même que des lacs stagnants dont l'eau est salée ( ...
) . Les différences de niveau de mers proviendraient de
ce qu'un même fond tantôt se soulève et tantôt s'abaisse
; la mer alors s'élève ou s'abaisse en même temps que ce
fond ; lorsqu'elle est soulevée elle inonde les régions
riveraines ; lorsqu'elle s'abaisse , elle rentre dans
son lit " .
Strabon ( 58 av. J.C / 25
ap. J.C ) .
Xénophane ( 570 - 480 )
reconnaît aussi des fossiles en des lieux éloignés de la
Mer . A Syracuse et à Malte , il trouve des restes de
phoques et d'autres animaux marins . Dans l'île de Paros
, il rapporte la découverte d'une feuille de laurier .
2 - LE MOYEN-AGE
Durant cette
période l'étude des sciences est mise au service de la
théologie ce qui provoque des retards considérables
dans la compréhension des phénomènes naturels . L'Eglise
condamne et excommunie tout ce qui n'est pas en accord
avec les textes bibliques . C'est ainsi que la réalité
du Déluge et de l'Arche de Noé n'est pas discutée .
Rares sont les penseurs de
l'époque à comprendre la nature et la signification des
fossiles . C'est ainsi qu'Albert Le Grand ( 1193 - 1280
) comprend la naturelle réelle des fossiles , mais il
les interprète à la lumière des Ecritures :
" ...
Des animaux entiers peuvent être pétrifiés . Les
éléments du corps des animaux sont modifiés , la terre
se mêle à l'eau et la vertu minérale change le tout en
pierre , en conservant la même forme qu'avait l'animal
... Nous trouvons une preuve de tout cela dans les
parties d'animaux aquatiques que l'on découvre dans les
rochers des montagnes ( ... ) . L'eau sans doute les y
a amené avec le limon gluant qui les enveloppait ; le
froid et la sécheresse de la pierre les ont ensuite
empêchés de se putréfier en totalité . On trouve une
très forte preuve de ce genre dans les pierres de Paris
, en lesquelles on rencontre très fréquemment des
coquilles " .
" En
fouillant au sommet d'une très haute montagne , nous
avons trouvé une très grande quantité d'os de ces
poissons que nous nommons escargots et aussi de ceux que
nous nommons coquilles ( ... ) . En ce lieu se trouvait
également une grande quantité de sable et de cailloux
arrondis , gros et petits , entremêlés de place en place
, comme s'ils avaient été déposés par un fleuve . C'est
un signe certain que cette montagne a été faite par le
Déluge . Lorsqu'en une contrée existent des montagnes où
se trouvent des os de poissons , c'est un signe certain
que cette contrée a été autrefois recouverte par la mer
" .
Ristore d'Arezzo , moine
italien du XIIIe siècle (" Composizione del Mondo
" , 1282 ) .
LA
RENAISSANCE
Au XVIe siècle les naturalistes
s'accordent pour reconnaître dans les fossiles des restes d'animaux mais
, fidèles au dogme biblique , ils pensaient que ces animaux n'étaient
pas venus là où on les trouvait mais qu'ils avaient été apportés en ces
lieux par l'avancée de la mer consécutive au déluge.
D'autres idées relatives à l'origine des
fossiles circulaient . L'une d'entre elles , fidèle à la tradition
alchimique médiévale , considérait que les fossiles n'étaient pas des
restes animaux , mais des " jeux de la nature " engendrés au sein de la
terre par une " vertu astrale " . L'idée d'une " vis plastica "
, c'est à dire d'une force capable de former au sein des roches des
objets semblables à des parties d'êtres vivants , paraissait pendant
longtemps plus acceptable que la fossilisation dont on s'expliquait mal
les mécanismes physico - chimiques . D'autres tentatives d'explications
plus imaginatives fleurirent . C'est ainsi que pour Edward Lhwyd ( 1660
- 1709 ) les fossiles croissaient au sein des roches à partir de "
semences " d'êtres vivants parvenus à l'intérieur de la Terre par des
fissures . Cette " semence " ( materia pinguis ) fermenterait à
l'intérieur du sous-sol et serait à l'origine des fossiles .
A cette époque Léonard de Vinci , esprit
universel , s'intéressa aux fossiles . Léonard n'admettait pas
l'hypothèse , en vogue à cette époque , de coquilles amenées par les
eaux du Déluge :
" On ne peut
qu'admirer la sottise ou la simplicité de ceux qui veulent que ces
coquilles aient été transportées par le Déluge ... Si cela était elles
seraient jetées au hasard , confondues avec d'autres objets , tous à une
même hauteur . Or les coquillages sont déposés par étages successifs ;
on les trouve au pied de la montagne comme à son sommet ; quelques uns
sont encore attachés au rocher qui les portait. Ceux qui vivent en
sociétés , huîtres , moules , sont par groupes ; les solitaires se
trouvent de distance en distance , tels que nous les voyons aujourd'hui
sur le rivage de la mer ... Les montagnes où sont les coquillages
étaient jadis des rivages battus par les flots , et depuis elles se sont
élevées à la hauteur où nous les voyons aujourd'hui ... ".
Bernard Palissy ( 1510-1590 ) partage les
idées de Léonard de Vinci sur les origines des fossiles et s'élève
contre les docteurs de La Sorbonne qui ne voient dans les coquilles et
les poissons " pétrifiés " que des " jeux de la nature " . Pour Bernard
Palissy les fossiles ont vécu à l'endroit même où on les trouve "
pendant que les roches n'estoyent que de l'eau et
de la vase , lesquelles depuis ont été pétrifiées après que l'eau a
defailly ( ... ). Quand j'ai eu de bien près regardé aux formes des
pierres , j'ai trouvé que nulle d'icelles ne peut prendre la forme des
coquilles , ni d'autre animal , si l'animal même n'a bâti sa forme ( ...
). Le rocher qui est tout plein de diverses espèces de coquilles , a été
autrefois vases marines ... lesquelles depuis ont été pétrifiées après
que l'eau a défailly ".Le génie de Palissy devait rester
parfaitement incompris de ses contemporains . Emprisonné comme huguenot
à la Bastille , il y mourût en 1590.
La Renaissance est aussi l'époque qui voit
naître et se développer les premiers musées . La première collection
dont le catalogue ait été publié est celle de Johann Kentmann (
1518-1574 ) . C'était une collection de fossiles en provenance de la
Saxe dont le catalogue fut rédigé par un naturaliste de Munich , Conrad
Gesner , et publié en 1565 : " Nomenclatura rerum fossilium quae in
Misnia inveniuntur ". Parmi les premières grandes collections
paléontologiques , une des plus célébres était celle du Pape Sixte-Quint
au Vatican . Un catalogue en fut établi par Michel Mercati ( 1541-1593 )
. Un autre musée , particulièrement célèbre à cette époque , est celui
créé par Francesco Calzolari ( dit Calceolarius ) de Vérone (
1521-1600 ). Ces collections firent l'objet de plusieurs catalogues , le
premier étant du à J . B Olivi ( 1584 ).
LES TEMPS MODERNES : XVIIe -XVIIIe
SIECLES
Durant la période moderne
les idées les plus fantaisistes ont continué de circuler
sur l'origine et la nature des fossiles .
Certains auteurs les
attribuent à des organismes disséminés par le vent et
par l'eau et qui ont et qui ont gagné les profondeurs du
sous-sol pour y germer et y produire des ébauches de
plantes et d'animaux . Cette opinion est partagé par
plusieurs naturalistes et penseurs de l'époque dont
Karl Nicolaus Lang (1670-1741 ) , Martin Lister (
1638-1711 ) , ...
Pour d'autres les fossiles
sont de simples pierres dont la forme rappelle
accidentellement celles de divers animaux . C'est la
thèse des " lusus naturae " dont l'un des plus
illustres adeptes n'est autre que Voltaire : "
Je ne nie pas , écrit-il
dans ses " Questions philosophiques " ,
qu'on ne rencontre à cent milles
de la mer quelques huîtres pétrifiées , des coques , des
univalves , des productions qui ressemblent parfaitement
aux productions marines , mais est-on bien sur que le
sol de la Terre ne peut enfanter des fossiles ? Un arbre
n'a point produit l'agate qui représente parfaitement un
arbre ; la mer peut aussi n'avoir point produit ces
coquilles fossiles qui ressemblent à des habitations de
petits animaux marins " .
Par ailleurs le Déluge
reste très à la mode et la détermination de la date
exacte de l'évènement donne même lieu à plusieurs études
telle celle du mathématicien et astronome anglais W.
Whiston qui précise que le déluge a eu lieu un mercredi
28 novembre , ou celle de l'allemand J. J Scheuchzer
dans son " Herbarium diluvianum "( 1709 ) qui ,
en étudiant les conifères des couches à charbon et en
les estimant jeunes et tendres , démontre que le déluge
a dû avoir lieu au mois de mai .
Parmi les " diluvialistes "
les plus convaincus figure assurément le médecin suisse
Johann Jakob Scheuchzer ( 1672-1733 ).Pour ce dernier
les fossiles étaient une preuve tangible et irréfutable
du déluge biblique et leur étude revêtait de ce fait une
allure moralisatrice et édifiante .Dans un ouvrage paru
en 1708 et intitulé : " Piscium querelae et vindiciae
" , Scheuchzer donne la parole aux poissons fossiles qui
" étaient une race portée par les
vagues , qui vivait avant le Déluge et y périt , victime
de la folie des autres ".Cependant l'absence de
restes humaines posait problème à Scheuchzer .En 1717 il
annonçait triomphalement qu'il avait enfin obtenu les
vestiges de " la race humaine qui fut détruite par le
Déluge " sous la forme d'un squelette quasi-complet
découvert à Oeningen en Suisse ( " Homo diluvii
testis " ).Bien que la nature humaine du spécimen
ait été fortement remise en cause dès la seconde moitié
du XVIIIe siècle et totalement réfutée par G. Cuvier au
début du XIXe siècle , Scheuchzer n'en continua pas
moins , jusqu'à la fin de sa vie , à voir dans sa
découverte la preuve de la véracité des récits bibliques
.
Le XVIIe siècle pose les
bases de l'analyse stratigraphique . Le naturaliste
danois Nicolas Stenon ( Niels Steensen ) ( 1636-1686 )
, en étudiant les terrains sédimentaires de Toscane (
Italie ) , constate l'existence de niveaux marins
superposés , ainsi que la présence de discordances ."
Toutes les couches , excepté la plus basse , sont
contenues entre deux plans parallèles à l'horizon " et
Nicolas Stenon peut affirmer que les couches successives
sont de plus en plus récentes à mesure que l'on remonte
la série .C'est énoncer , avec une singulière
clairvoyance pour l'époque , le principe de
superposition c'est à dire l'une des règles de base de
la géologie stratigraphique moderne . Ces observations
lui permettent de jeter les bases d'une chronologie
relative qui permet , à son tour , l'interprétation des
restes fossiles dans un ordre chronologique rationnel
C'est aussi au XVIIe siècle
que naissent les premières tentatives de classification
des êtres vivants et fossiles. La classification
zoologique établie par le suédois Charles Linné (
1707-1778 ) , outre qu'elle permet de préciser les
notions de genre et d'espèce ( classification
bi-nominale ) , débouche sur une nomenclature où chaque
individu est nommé et où , de ce fait , les relations de
parenté entre les êtres vivants et entre ces derniers et
les types fossiles ressortent plus distinctement.
Cet effort de classement
des êtres vivants actuels et fossiles débouche sur une
prise de conscience de la diversité du Vivant et des
changements qui ont pu affecter la vie terrestre au
cours des temps . La réflexion de Robert Hooke ( 1635 -
1703 ) est significative de ce changement de perception
qui affectent les naturalistes de l'époque : "
Pour le moment nous considérons
comme réelle et vraie cette supposition qu'il y a eu à
des époques passées du Monde , diverses espèces de
créatures qui sont maintenant entièrement perdues , rien
d'entre elles ne survivant en aucun endroit de la Terre
( ... ) . Il y a eu beaucoup d'autres espèces de
créatures dans les âges passés , dont nous ne pouvons
trouver aucune à présent , et il n'est pas improbable
aussi qu'il puisse y avoir aujourd'hui diverses
nouvelles sortes qui n'ont pas été présentes dès le
commencement ( ... ) " . Pour Hooke certaines
espèces avaient disparu au cours du temps et d'autres
étaient apparues . Le monde vivant avait changé et les
fossiles constituaient les preuves de ces
bouleversements. Il était donc possible de reconstituer
le monde passé en utilisant les fossiles de la même
manière que l'archéologue reconstituant une culture
disparue à travers les vestiges de vie quotidienne
révélés par la fouille. " ...Les
coquilles et autres corps sont les médailles, les urnes
, les monuments de la Nature ( ... ) .( Ils )
fourniront plus d'informations à l'Histoire Naturelle
que (tous les anciens monuments du Monde )pris ensemble
n'en fournissent à l'histoire civile ."
Le XIXe SIECLE
Cuvier était né à
Montbéliard en 1769. Il commença ses études dans
cette ville , puis il les continua à Stuttgart
où il s'intéressa à la Zoologie . De retour en
France , il fit la connaissance à Paris , d'un
encyclopédiste , l'abbé Teissier qui le présenta
à plusieurs grands naturalistes de l'époque :
Daubenton , Jussieu et Geoffroy Saint - Hilaire
.Cuvier fut nommé professeur à l'école Centrale
du Panthéon en 1795, puis à la chaire d'Anatomie
du Muséum National d'Histoire Naturelle , puis
membre de l'Institut en 1796 . Il fut nommé
professeur au Muséum en 1802 .
Cuvier ( 1769-1832
) s'attache à déterminer , de manière
irréfutable la réalité de l'extinction des
espèces. Pour y parvenir il lui fallait disposer
d'une technique fiable lui permettant de
comparer fossiles et organismes vivants actuels
afin de pouvoir mettre en évidence les
différences anatomiques existantes entre eux.
C'est ainsi que Cuvier fut amené à formuler un
des concepts de base de la Paléontologie moderne
, celui de " la corrélation des formes dans les
êtres organisés " .
"
Tout être organisé forme
un système unique et clos dont les parties se
correspondent mutuellement en concourent à la
même action définitive par une réaction
réciproque. Aucune de ces parties ne peut
changer sans que les autres ne changent aussi ,
par conséquent chacune d'elles prise séparément
indique et donne toutes les autres ( ... ) . En
un mot la forme de la dent entraine la forme du
condyle , celle de l'omoplate , celles des
ongles , tout comme l'équation d'une courbe
entraîne toutes ses propriétés ; et de même
qu'en prenant chaque propriété séparément pour
base d'une équation particulière on
retrouverait l'équation ordinaire et toutes les
autres propriétés quelconques , de même l'ongle
, l'omoplate , le condyle , le fémur et tous les
autres os pris chacun séparément donnent les
dents ou se donnent réciproquement .Et en
commençant par chacun d'eux celui qui
posséderait rationnellement les lois de
l'économie organique pourrait refaire tout
l'animal " .
La méthode de
Cuvier , en permettant la reconstitution de
nombreux spécimens d'animaux radicalement
différents de ceux vivant dans la Nature
actuelle , confirmait que de nombreuses espèces
animales s'étaient bien éteintes à différents
moments du passé.
Un point cependant
demeurait obscur : pourquoi toutes ces espèces
animales avaient - elles disparu pour laisser la
place à d'autres et parvenir ainsi aux espèces
actuelles ? Pour Cuvier la surface du Globe
avait du être balayée à diverses reprises par
des catastrophes qui avaient provoqué des
renouvellements radicaux de la faune terrestre .
Il est surprenant de constater que la
description cataclysmique que Cuvier donne de
ces évènements n'est pas sans évoquer le déluge
biblique : " ( ... ) La
vie a donc souvent été troublée sur cette terre
par des évènements effroyables . Des êtres
vivants sans nombre ont été victimes de ces
catastrophes . Les uns ( ... ) se sont vus
engloutis par des déluges , les autres ( ... )
ont été mis à sec sur le fond des mers
subitement relevé ( ... ) . Leurs races mêmes
ont fini pour jamais et ne laissent dans le
Monde que quelques débris à peine
reconnaissables par le naturaliste " .
La pensée
cuvieriste , en introduisant le concept de
catastrophes cycliques génératrices de césures
radicales dans l'histoire de la vie terrestre ,
ouvrait à la pensée scientifique un nouveau
champ de réflexion , celui d'un nécessaire
découpage chronologique de l'histoire de la
Terre prenant en compte ces bouleversements
planétaires et les renouvellements biologiques
qui les suivaient .
Pour éviter d'avoir
à expliquer par une création divine chaque
nouvelle espèce découverte , beaucoup de
naturalistes envisagèrent dès la fin du XVIIIe
siècle , la possibilité de modifications
survenant dans les espèces animales et végétales
sous l'influence de perturbations affectant leur
milieu de vie. Ces spéculations devaient
déboucher sur l'énoncé de la théorie
transformiste dont Lamarck fut l'instigateur
principal et l'un des plus ardents défenseurs :
" Les générations
successives ne se perpétuent sans varier
qu'autant que les circonstances qui influent sur
la manière d'être des individus ne varient pas
essentiellement ( … .Nos espèces n'ont qu'une
existence bornée et ne sont que des races
mutables ou variables qui , le plus généralement
, ne différent de celles qui les avoisinent que
par des avances difficiles à exprimer. A mesure
que les circonstances d'habitation ,
d'exposition , de climat , de nourriture ,
d'habitude de vivre , viennent à changer , les
caractères de taille , de forme , de proportion
entre les parties , de couleur , de consistance
, de durée , d'agilité et d'industrie pour les
animaux changent proportionnellement ( … ).Tout
ce que la Nature fait perdre ou acquérir aux
individus …par l'influence de l'emploi
prédominant d'un organe , elle le conserve par
la génération aux nouveaux individus qui en
proviennent " .
La solution
formulée par Lamarck impliquait clairement que
les espèces dérivaient les unes des autres .
C'est l'hypothèse transformiste . Lamarck se
heurta à Cuvier qui croyait les espèces fixes ,
les changements qu'il constatait à travers le
temps , étant dus , selon lui , à " des
révolutions du Globe "( théorie fixiste ) . Dans
la vive contreverse qui opposa les deux hommes ,
Cuvier triompha car les arguments de Lamarck
étaient vagues et souvent discutables . Lamarck
devait mourir peu après , solitaire et méconnu
.Une semblable contreverse opposera en 1830
Cuvier à Geoffroy De Saint-Hilaire ( 1772-1844
).Ce dernier partageait les idées de Lamarck sur
la transformation des êtres vivants , mais il y
voyait un processus différent . Selon lui les
modifications s'opéraient selon des variations
brusques , résultantes d'anomalies survenant
chez l'embryon trés sensible aux variations du
milieu ( théorie de l'épigenèse ). De la
polémique entre les deux naturalistes , et qui
tourna trés nettement à l'avantage de Cuvier ,
il est resté une anecdote célèbre : fin juillet
1830 , Goethe reçoit un visiteur :
"
Vous connaissez la grande
nouvelle à Paris ?
- Oui la Révolution , le Roi renversé ...
- Mais non ! la querelle de Geoffroy et de
Cuvier à l'Académie des Sciences "
Le 24 novembre 1859 paraissait " L'Origine des
Espèces au moyen de la sélection naturelle ou de
la lutte pour l'existence dans la Nature " , un
ouvrage dans lequel Charles Darwin exposait sa
théorie de l'évolution de la Vie étayée , non
seulement par une grande logique , mais aussi
par les observations personnelles de l'auteur
réalisées de 1831 à 1836 dans son voyage autour
du Monde à bord du " Beagle " . Darwin
considère que le Monde vivant n'est pas immuable
mais composé d'une succession de formes
échelonnées dans le Temps et se modifiant sans
cesse , des espèces nouvelles apparaissent
tandis que d'autres s'éteignent . Pour Darwin
ces processus évolutifs sont graduels , il n 'y
a pas de rupture brutale . Le phénomène continue
aujourd'hui encore mais sa lenteur ne permet
guère de le saisir. Par ailleurs Darwin émet
l'hypothèse de l'ascendance commune selon
laquelle des organismes animaux ou végétaux qui
ne ressemblent pas sont apparentés car ils ont
un ancêtre commun .Cette théorie est audacieuse
pour l'époque car elle pose le principe selon
lequel tous les organismes vivants ont une
ascendance commune et que la vie terrestre a une
origine unique .Enfin pour Darwin l' Evolution
est le résultat de la sélection naturelle
engendrée par la lutte pour la vie. Les êtres
qui ont le plus de chances de survie sont ceux
qui possèdent la combinaison de caractères leur
assurant la meilleure défense contre les
agressions générées par leur environnement .
Cette compétition existe , non seulement entre
les individus d'une même espèce , mais aussi
ente individus d'espèces différentes .Si un
individu présente une adaptation nouvelle il est
avantagé dans la compétition interspécifique et
sa descendance le sera aussi . C'est le point de
départ d'une diversification et d'une
spécialisation . Au cours des milliards d'années
ce processus de sélection naturelle a entraîné
le progrès évolutif . Darwin considère que ce
progrès n'est pas préétabli mais qu'il est le
résultats des effets de la sélection naturelle
.La Paléontologie donne accès aux preuves de l'Evolution
, à savoir les formes " intermédiaires " c'est
à dire des êtres présentant des caractères
mixtes appartenant aujourd'hui à des espèces
séparées ( L'Archeoptéryx est le plus connu de
ces fossiles "intermédiaires " ) .
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