"
La
Montagne "
"
Santo Venturi ,
Mount Eigues . De gracie noun vous
boulégués. "
" Quand Venturie a
soun capeu. Pren ta biasso é courré lèu
"
La toponymie de
Sainte-Victoire est inconnue dans les
documents avant le XVIIe siècle. Le
terme de " Victoire " est pour la
première fois mentionné quand on
envisage de construire un local pour un
ermite . C'est en 1653 qu'un bourgeois
d'Aix , Honoré Lambert , fit le voeu ,
au cours d'une grave maladie , de
restaurer la chapelle et l'ermitage
situés au sommet de la montagne sous le
titre de Notre-Dame de la Victoire et de
s'y retirer pour s'adonner à une vie de
prière et de contemplation. On suggère
alors d'attribuer au sanctuaire restauré
le nom de " Notre Dame de la Victoire "
sans préciser s'il s'agit de commémorer
la victoire de Louis XIII sur les
Protestants ou la bataille victorieuse
de Lépante contre les turcs ( la
première hypothèse semblant cependant la
plus probable ).A cette époque cette
appellation était relativement courante
.Il semble que ce soit le voeu du
bourgeois aixois qui ait fait naître une
toponymie nouvelle qui ,en quelques
décennies, supplanta l'appellation
médiévale
Dans les périodes qui
précèdent l'ère moderne ,le nom de la
montagne est " Venture " , ou , sous une
forme chrétienne , Sainte-Venture ou
Sainte-Adventure ( cette appellation
figure encore sur des cartes datant du
début du XVIIIe siècle ) et il n'est
question dans les textes que d'un chemin
menant à Sainte Adventure ( Itinere
sancte Adventuro , 1390 ) ou à
Sainte-Venturie ( Sancte Venturie
en 1345 ), d'où l'hypothèse émise
par Camille Jullian : "
Sainte-Victoire vient d'un mot
celtique , ou ligure , comme Venturi
, Venturius ou quelque chose
d'approchant .Le nom même de la montagne
n'a jamais été Victoria. Lorsqu'on
trouve son nom sous sa vraie forme
locale et provençale, elle s'appelle
Venturi , du latin Ventur et
Venturius comme le vrai nom et le nom
primitif de Sainte-Victoire .Venturi,
Ventoux , c'est tout un. Et dans le
passé la distance entre ces deux mots
diminue encore. Le Ventoux s'appelle
dans les chartes , Venturius , et
à l'époque romaine , Vintur.
Sainte-Victoire et le Ventoux ont donc
porté , à l'origine , le même nom
celtique ou ligure , nom fort approprié
à des sommets d'où semblent partir
nuages et vent " ( C. JULLIAN , Notes
gallo-romaines , Revue d'Etudes
Anciennes , 1899 ).M. Rostaing donne
aussi au mot " venture " une racine
pré-indo-européenne.Il écrit : " La
racine Vin - Montagne - est
bien connue ... En Provence , deux noms
de montagne se réfèrent à cette racine
: ce sont le Mont-Ventoux... et la
Montagne Sainte-Victoire , transcription
tardive de Venturi " .C.
Jullian , M.Rostaing et de nombreux
érudits après lui , rapprochent la
toponymie de la Montagne avec celle
d'une autre tout aussi célèbre : le
Mont-Ventoux .
" Le vrai nom du Mont
Ventoux , sur les cartes du XVIIIe
siècle est , non pas Ventoux , mais
Ventour. Ce nom dérive
indubitablement du nom d'une divinité ,
Venturius , à laquelle sont
dédiées deux inscriptions romaines
tracées , l'une à Mirabel, près de
Vaison , l'autre à Buoux, au nord du
Lubéron. Il n'est pas impossible que
cette divinité ait été , non seulement
celle du Ventoux , mais la divinité
générale des montagnes de toute la
région provençale , divinité d'origine
celte ou plutot ligure .Ce nom dérive ,
sans doute d'une racine analogue au
latin Ventus .Au Mont-Ventoux ce
nom ancien s'est conservé .A
Sainte-Victoire il a été transformé sous
une double influence , celle du travail
continu des érudits , et celle du clergé
local , dont l'action n'a pas été moins
efficace " ( M. CLERC, Annales de la
Société d'Etudes Provençales , 1904
).
Le vent a été très tôt
personnifié et il est probable que dès
l'époque préhistorique les sommets des
montagnes étaient consacrés au dieu des
vents .L'Eglise christianisa cette
divinité sous le nom de " Sainte Venture
". La croyance populaire faisait naître
le vent des cavernes de la Montagne .Au
sommet du Grapou à Baudiment près de
Sisteron , le trou de l' " oulo "
laissait échapper un souffle continuel.
Au VIe siècle pour fertiliser la vallée
de Nyons toujours stérile , Saint
Césaire , archevêque d'Arles avait
recueilli dans son gant le vent marin
des marais d'Arles. Il l'avait jeté
contre un rocher produisant un gouffre
d'où les vents n'ont cessé de souffler.
Quant à la légende qui
rattache l'appellation de la Montagne à
la victoire de Marius sur les teutons en
102 av.J.C , elle remonte au XIX e
siècle , période durant laquelle elle
fut forgée de toutes pièces par des
écrivains et quelques érudits et
journalistes locaux. Walter Scott situe
à la Sainte-Victoire un chapitre de son
roman " Charles Le Téméraire " ou " Anne
de Geierstein " écrit en 1829.Le
romancier écossais fut , sans nul doute
, l'un des propagandistes les plus
efficaces de la légende marienne. " Le
nom de la montagne , écrit-il , avaiut
été donné par suite d'une grande
victoire qu'un général romain nommé Caio
Mario avait remporté sur deux grandes
armées de sarrasins portant des noms
ultramontains , probablement les Teutons
et les Cimbres .En reconnnaissance de
cette victoire Caio Mario fit voeu de
bâtir un monastère sur cette montagne et
de le dédier à la Vierge Marie , en
l'honneur de laquelle il avait été
baptisé ".On ne peut qu'être surpris et
amusé de l'imagination débridée de
Walter Scott qui semble oublier que la
victoire de Marius se situe en 102
av.J.C !! D'autres , tout en adhérant à
la même hypothèse , ont su se garder de
commettre la même erreur historique
.C'est ainsi que dans un article paru
sur la Sainte-Victoire le 5 mai 1855
dans l'Illustration , on peut
lire : " Marius avait donné à cette
montagne le nom de Mont de la Victoire ,
Mons Victoriae; l'Eglise le
dédia à la sainte de ce nom ... Après la
victoire les soldats de Marius
annoncèrent à la contrée , par un feu
qu'ils allumèrent sur ce même rocher ,
qu'elle était délivrée à jamais des
barbares ...On raconte , que la veille
de la bataille , la prophétesse Galla
,sur les bords du garagai ( ... ) prédit
la victoire à Caius Marius .El le jour
qui suivit l'extermination des Cimbres
le général romain , obéissant aux
préceptes de la pythonisse , fit
précipiter dans ce gouffre trois cents
prisonniers teutons qu'il voua aux
dieux infernaux .Ce précipice prit alors
le nom de Galla Caius d'où par
corruption , Garaigai " . |