La Préhistoire
Les vestiges d'une occupation paléolithique du
massif de Sainte-Victoire sont extrêmement rares
.Seule la grotte du Petit-Chanteur ou
Baumo-Vaoutado a livré quelques outils de silex
( burins et armatures ) et des vestiges de faune
( bouquetins et chamois ) qui témoignent du
passage de chasseurs aux environs de - 10 000
ans av.J.C ( Magdalénien supérieur ) dans ce
site situé à une altitude d'environ 700 mètres
et à mi-hauteur du versant sud de la montagne
.Des gisements paléolithiques sont cependant
connus en basse-Provence. C'est ainsi que la
grotte de l'Escale ( commune de
Saint-Estève-Janson) a livré des traces de feux
intentionnels dans des niveaux datés du
Pleistocène moyen - Mindel moyen et supérieur :
- 700 000 / - 500 000 ans ).Face à la Montagne
de Sainte-Victoire , mais sur la bordure
méridionale du bassin d'Aix , la Grotte du
Tonneau dans la chaîne du Regagnas a livré des
niveaux d'habitat attribués à une phase froide
du Wurm ( - 50 000 / - 30 000 ans ). Plus au
nord, la grotte de l'Adaouste , situé dans le
plateau calcaire qui surplombe la vallée de la
Duran,ce , non loin du défilé de Mirabeau ,
contient des niveaux d'occupation attribués au
magdalénien moyen et supérieur ( aux environs de
- 12 000 ans ).Il n'est donc nullement exclu que
les recherches archéologiques à venir mettent en
évidence des habitats paléolithiques dans le
massif de la Sainte-Victoire.
Il faut ensuite attendre - 7000 av.J.C et les
débuts du Néolithique ( Cardial ) pour découvrir
les maigres vestiges laissés par les premiers
pasteurs et paysans .La grotte des Deux-Gamins à
Pourrières ( Var ) , à l'extrémité orientale du
massif a livré des tessons de céramique à décor
imprimé à la coquille de Cardium qui
témoignent d'une fréquentation probablement
épisodique du massif ( - 5500 av.J.C ).
Les sociétés du Néolithique adoptent un mode de
vie sédentaire et les villages de plein air
connaissent , à partir ce époque , un
développement continu, tandis que les grottes et
abris-sous-roche connaissent une lente
désaffection , tout en continuant à être occupés
comme abris temporaires. C'est aux environs de -
4000 av.J.C que le peuplement du massif et ses
abords s'intensifie de manière notable. Les
vestiges d'une occupation , peut-être temporaire
, se rencontrent dans des grottes qui servent de
bergeries ou de haltes de chasse , ainsi que
dans des sites de plein air ( environs de
Saint-Antonin-sur-Bayon ). Les cavités
naturelles sont , dès cette époque, utilisées
comme sépultures collectives ( grotte du Délubre
à Vauvenargues ).
La première anthropisation durable du massif
survient aux environs du III ème
millénaire.L'extension de l'espace agricole à
des zones accidentées et d'accés difficile
témoignent de la pression démographique qui
semble affecter les communautés humaines qui
peuplent alors la Basse-Provence et qui les
incitent à metre en valeur des terroirs qui
jusqu'alors ne faisaient l'objet que d'une
occupation temporaire .Ce peuplement semble
s'opérer simulanément sur les deux versants de
la montagne : vallée de Vauvenargues au nord et
Plateau du Cengle au sud.
Le territoire de la commune de
Saint-Antonin-sur-Bayon , sur le versant sud du
massif a livré de nombreux vestiges retrouvés
sur des sites de plein air mais aussi dans des
grottes ou dans des dolmens. Les dolmens sont
des tombes comportant une chambre sépulcrale et
un couloir constitués de dalles ou de murets de
pierre sèche .La chambre funéraire est
recouverte de dalles à plat et l'ensemble de la
sépulture était contenue dans un tumulus de
pierre. Le dolmen de Maurély sur le plateau du
Cengle est l'un des rares monuments
mégalithiques et l'un des mieux conservés du
Pays d'Aix. La sépulture, de forme trapézoidale
, était recouverte à l'origine de trois grandes
dalles .Les parois sont constituées d'une
alternance de dalles dressées et de murets de
pierre .Le sol de la chambre funéraire était
dallé. Le mobilier était composé de lames en
silex rubané lacustre , d'armatures de flèches
et d'éléments de parure .
Sur le versant septentrional de la montagne les
sites les plus connus sont la grotte et
l'habitat perché de La Citadelle. La grotte de
la Citadelle abritait une sépulture collective
que son mobilier permet de dater du
Chacolithique / Bronze ancien .Les ossements
humains y étaient trés fragmentés et dépourvus
de connexions anatomiques. Des groupements de
crânes ont été observés .Il semblerait que des
réductions de corps aient été effectuées lors
des inhumations successives .Le mobilier
archéologique se réduisait à des fragments de
céramique ( dont un vase campaniforme ) , des
armatures de flèches et des éléments de parure .
Non loin de là , se trouve un petit habitat de
hauteur dont la fouille minutieuse a fait une
référence pour la connaissance de l'habitat
néolithique en Provence.L'habitat ( 8 mètres de
long sur 3 mètres de large ) était protégé par
un mur d'enceinte prenant appui sur les bords de
la falaise et enfermant une surface d'environ
800 m2. Le site a livré des vestiges de
céramique en grand nombre. Ce sont des fragments
de vases de forme sphérique ou cylindrique et
dont la surface était décoré de quelques
cordons. L'occupation du site semble se
rattacher à la fin du IIIème millénaire av.J.C
et s'apparenter aux habitats couronniens
retrouvés sur la côte provençale entre
Marseille et Martigues .Non loin d'Aix , sur la
commune de Saint-Marc de Jaumegardes une tombe
mégalithique a été fouillée au début du siècle (
" dolmen de Saint-Marc " ).Il s'agissait en
réalité d'une sépulture collective aménagée sous
une dalle de calcaire et qui abritait les restes
d'au moins 25 individus dépourvus de connexions
anatomiques.Le mobilier se réduisait à des
fragments de céramique et à des éléments de
parure.Non loin de là , des prospections
efectuées plus récemment ont permis d'identifier
un habitat de plein air qui semble
sub-contemporain de la sépulture.
La Protohistoire
L'occupation protohistorique du massif reste
encore très largement méconnue , même si les
prospections archéologiques effectuées au
lendemain du grand incendie de 1989 ont permis
de compléter sur de nombreux points l'inventaire
archéologique pré-existant et de mieux préciser
la nature , et surtout la diversité , des modes
d'occupation du sol dans cette région à partir
de l'âge du Fer.
L'Age du Cuivre ( ou Chacolithique ) ( - 2500 /
- 1800 av.J.C ) est relativement discret dans la
Montagne Sainte-Victoire. Les seuls vestiges
présents dans le secteur sont ceux découverts
dans la grotte funéraire de La Citadelle déjà
évoquée .
L'âge du Bronze ( - 1800 / - 700 av.J.C ) est
mal connu dans le massif de Sainte-Victoire. Il
semble que le début de l'âge du Bronze soit une
période de régression démographique dans toute
la Basse-Provence. Les causes de ce phénomène
restent inexpliquées. La population provençale
ne semble reprendre son essor que vers le Bronze
Final ( - 1200 / - 700 av.J.C ).La grande
nouveauté de la période est l'apparition du
Bronze. Les objets métalliques les plus
fréquemment attestés dans la région sont des
haches plates et des alènes. Les genres de vie
ont dû peu changer par rapport au Chacolithique
qui précède , tout comme les occupations
économiques principales qui restent
l'agriculture et l'élevage. Les sites de hauteur
semblent avoir fait l'objet d'une fréquentation
, au moins épisodique .Le site perché du
Baoux-Roux ( Bouc-Bel-Air ) dans la partie sud
du bassin d'Aix a livré ,sous les niveaux
d'occupation datés de l'Age du Fer , des traces
d'installations plus anciennes attribuées à
l'âge du Bronze ancien . Non loin de la montagne
, les environs du village de Pourrières ( Var )
ont livré un matériel abondant dissimulé dans
une cache : 21 bracelets ,9 haches à ailerons
terminaux , 4 fragments d'épée ,2 fourreaux ,2
couteaux ,1 pointe de lance à douille et 1
fragment de faucille .
La chronologie de l'occupation humaine comporte
un certain nombre de hiatus (correspondant
surtout aux deux premières période de La Tène ,
soit un intervalle allant du début du IVe siècle
au IIe siècle av.J.C) .Cette lacune est peut
être simplement dûe à l'insuffisance de nos
connaissances elle-même consécutive à la rareté
des fouilles.
En Provence ,le Premier Age du Fer est marqué
par l'intervention des commerces méditerranéens
à travers la pratique de l'emporia
,ainsi que par la création de Marseille. Ces
échanges ont un impact sur les sociétés
provençales, qui tout en conservant leurs
traditions , subissent l'attraction économique
et technique de la culture massaliète .La base
de cette nouvelle donne économique est la
distribution et la commercialisation du vin. Au
Second Age du fer l'influence de Marseille se
renforce et s'impose aux peuples celto-ligures
qui occupent l'ensemble de la Provence.
C'est à la Tène III que semble débuter une phase
d'occupation intense du massif sous la forme
d'habitats perchés que l'archéologie
contemporaine désigne sous le nom d'oppida.
" Dans bien des cas,l'enceinte , presque
toujours associée à une éminence topographique ,
devient non seulement le coeur d'un système
protecteur ,mais aussi le moyen de s'exprimer et
d'enraciner l'emprise territoriale de la
communauté à l'encontre des gens de l'extérieur
, groupes indigènes voisins ou étrangers ,
commerçants ( ... ) et colons phocéens " (Arcelin
& Dedet , 1985 ).Ces agglomérations villageoises
, pratiquement toutes contemporaines , forment
alors un réseau continu qui s'étire tout au long
de la chaîne avec une prédilection marquée pour
le versant méridional de la montagne ( oppidum
de Saint-Antonin ou du Bayon , oppidum de
Bramefan , oppidum de Roque-Vaoutade , oppidum
du Pain de Munition ,oppidum du Pas des Magnans
, etc...).Ces habitats ont en commun d'être tous
, ou presque tous , fortifiés c'est à dire le
plus souvent enfermés dans une ou plusieurs
enceintes de pierres sèches. Les vues aériennes
révèlent l'existence d'un urbanisme assez
sommaire .On discerne parfois des réseaux de
rues ou de ruelles ( oppidum de Roque Vaoutade )
, ainsi que des alignements de murs
correspondant aux soubassements de cases qui
paraissent n'avoir souvent comporté qu'une seule
et unique pièce.42 sites archéologiques se
rattachent à la période de la Tène III sur le
seul versant méridional auxquels il faut ajouter
22 sites identifiés dans les zones basses de ce
même secteur. Le développement d'un habitat
rural dispersé dans les zones basses (
principalement le Plateau du Cengle ) est
considéré comme l'indice le plus probant d'une
intensification notable de la mise en valeur
agraire de cette partie du bassin d'Aix. Les
indices céramiques récoltés sur les différents
sites ( habitats de hauteur et habitats de
plaine ) révèle une ocucpation maximale du
massif dans la seconde moitié du IIe siècle
av.J.C.
L'époque romaine
La romanisation de la Gaule méridionale amena un
bouleversement radical dans la localisation de
l'habitat rural .Ce phénomène est
particulièrement apparent sur le versant
méridional de la Montagne Sainte-Victoire .Les
habitats de hauteur semblent alors connaître un
lent mais inéluctable processus de
désertification au profit des zones basses
d'accès plus aisé .Ce déplacement de l'habitat
permanent s'amorce dès le Ie siècle av.J.C (
oppidum du Bayon , oppidum de Roque Vaoutade ,
oppidum de Bramefan ).La deuxième particularité
de la période réside dans l'extrême dispersion
de ce même habitat rural , les zones situées à
proximité de l'Arc étant préférentiellement
recherchées , probablement pour la plus grande
qualité de leurs sols. Si l'existence de
villae ne fait aucun doute dans la vallée
de l'Arc , ce type d'exploitation
caractéristique de l'époque , n'est attesté que
par des découvertes éparses réalisées en
différents points du massif ( présence de
tegulae et de céramique non loin du domaine
de Bayle , présence d'une petite installation
oléicole à Maurély , vestiges divers , mais
caractéristiques à Subéroque et à Roques-Hautes
).Ce mode d'exploitation du sol s'intensifie
sous le Haut-Empire et la valorisation agraire
des parages immédiats de la montagne
s'accompagne de vastes travaux hydrauliques
destinés à assurer l'irrigation de ces sols
nouvellement mis en culture. L'exemplaire le
plus spectaculaire et le mieux conservé de ces
aménagements est l'aqueduc de Saint-Antonin .